Voyage au Canada Les espaces verts de Montréal, si loin si proches
La seconde ville du Canada gère ses parcs en faisant des choix techniques finalement assez semblables à ceux opérés en France, malgré la différence radicale de climat et d’environnement géographique.
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Avec moins de quatre habitants au kilomètre carré, pour un peu plus d’une centaine en France, l’image que l’on se fait a priori du Canada est celle d’un immense pays, fait de forêts infinies abritant une multitude de lacs. Et même si l’on ne prend que la Belle Province, le Québec, plus densément peuplée que l’ensemble du pays, on ne trouve toujours qu’un peu plus de six âmes par kilomètre carré. On est loin des standards européens, le Vieux Continent tournant à un peu au-dessous de 120 pour ce ratio, les Pays-bas frôlant les 500, record d’Europe. Dans ce contexte, le visiteur débarquant avec des idées préconçues sur les villes canadiennes s’attend à les découvrir à l’avenant : assez peu denses, très verdoyantes et arborées, avec des aménagements urbains taillés à la mesure du climat, c’est-à-dire un peu frustes et surtout composés d’arbres et de gazons, bien adaptés aux hivers froids et aux étés courts, humides et chauds.
À Montréal, une partie de cette attente est proche de la réalité : la ville est très arborée et les parcs urbains y sont nombreux, mais une autre partie en est assez éloignée. Le cœur de ville, urbanisé de manière assez récente, est très densément construit d’immeubles élevés et est à ce titre relativement dépourvu d’espaces verts. Les parcs et jardins sont plantés d’une palette végétale plutôt riche et on trouve même des espaces fleuris de plantes exotiques et d’annuelles. Étonnamment, du point de vue des espaces verts, la découverte de Montréal est assez peu dépaysante !
Des problématiques sur les arbres
Cette impression se confirme en échangeant avec des gestionnaires de l’espace public. Comme on l’a bien vu en France lors des débats qui ont précédé le premier (et unique pour l’instant) tour des élections municipales, la place des arbres dans la ville semble primordiale. Dans une communication effectuée à l’occasion du 5e sommet international sur la biodiversité qui a eu lieu à Cancún, au Mexique, fin 2016, Joëlle Roy LeFrançois, conseillère en aménagements à la direction des parcs et de la biodiversité de Montréal, expliquait : « La gestion intégrée de la forêt urbaine de la ville est un programme ambitieux comprenant un volet d’accroissement de la canopée de 20 à 25 % et la plantation de 300 000 arbres en dix ans, sur terrains publics et privés. » Une rhétorique bien similaire à celle en usage dans l’Hexagone !
Si, de ce côté de l’Atlantique, nous rencontrons des problèmes avec le chancre coloré du platane, les ravageurs des palmiers ou l’encre sur les érables, parmi d’autres, Montréal doit faire face à d’importants dégâts causés par l’agrile du frêne. « C’est une catastrophé liée a des problèmes de monoculture », précise Sylvia-Anne Duplantie, directrice du département aménagement des parcs et espaces publics de Montréal. Les frênes sont suivis de près. Les particuliers en possédant doivent les faire traiter par la Ville. Les services municipaux réalisent l’opération gratuitement, il suffit d’en faire la demande par Internet. En cas de sujet mort, le propriétaire doit demander à la mairie un permis d’abattre, puis apporter les résidus de bois à l’écocentre le plus proche de chez lui. À moins de faire réaliser cette opération par l’entreprise d’abattage… Une aide peut être accordée par la municipalité pour couvrir une partie des frais générés. Ensuite, si le particulier veut replanter, il peut le faire en choisissant dans une liste d’« essences recommandées » disponible là aussi sur Internet. Elle comprend plus d’une centaine de taxons, parmi lesquels une trentaine d’érables, des bouleaux, des chênes ou des Gleditsia… « Dans certains quartiers comme le Mont-Royal, nous replantons dans l’espace public un grand nombre de ginkgos et d’ormes », témoigne-t-elle. La Ville a sa propre pépinière et mène des essais pour diversifier sa palette végétale dans le cadre du changement climatique.
Le végétal, acteur de l’aménagement urbain
Former des chicanes pour restreindre la circulation automobile dans certaines rues, voire en piétoniser certaines... le végétal est souvent utilisé dans les nouveaux aménagements urbains. Souvent de manière pérenne : c’est le cas dans les saillies construites dans le but de former des goulots d’étranglement à l’entrée des rues dans lesquelles il a été décidé de limiter le trafic. Ces espaces sont souvent plantés d’arbustes.
Mais finalement, dans une ville qui ne peut fréquenter ses espaces extérieurs qu’une partie de l’année (il tombe deux mètres de neige par an à Montréal, qui est la ville de plus de deux millions d’habitants qui en reçoit le plus dans le monde), on peut découvrir au fil de la promenade une multitude d’espaces de vie protégés de la circulation par des jardinières végétalisées. Ces aménagements sont très fréquents partout, mais encore plus dans les rues rendues aux piétons ces dernières années. Le programme de piétonisation a débuté en 2015. Depuis, quinze artères ont été interdites aux véhicules toute l’année, dans une idée de partage de l’espace public. Quatre autres les rejoindront cette année. Et certaines rues, cinquante en tout, sont réservées uniquement aux piétons une partie de l’année. Les jardinières qui bordent ces espaces partagés sont largement plantées de graminées, de grimpantes, etc.
Un gros travail sur la biodiversité en concertation avec Paris
L’autre chantier sur lequel travaillent les espaces verts de Montréal est la biodiversité. Là encore, le gestionnaire d’espaces publics français ne sera guère dépaysé. Au point que la métropole canadienne a mené sur ce point un énorme travail en concertation avec… la Ville de Paris ! La communication présentée à Cancún était d’ailleurs effectuée en tandem avec la capitale française et s’intitulait : « La force de l’engagement des villes pour la biodiversité ». L’idée est que « malgré des typologies et des échelles de territoire différentes, Montréal et Paris présentent une vision similaire, le langage employé est semblable et les outils utilisés répondent aux mêmes objectifs ». Les deux agglomérations ont donc examiné et comparé leurs initiatives autour de la place de l’arbre et de la biodiversité, de la gestion de l’eau...
En 2013, Montréal a réalisé un premier état des lieux concernant sa biodiversité et ses modalités de gestion. Elle a ciblé alors une protection de 10 % de son territoire terrestre. En tenant compte des plans d’eau, en 2017, 17 % était protégé...
La politique d’aménagement de la ville canadienne et les grandes thématiques en cours de réflexion sont aussi proches de celles de la France que la langue, si ce n’est plus !
Pascal Fayolle
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